Rodly SAINTINÉ, jeune journaliste haïtien vient de gravir un nouvel échelon dans sa carrière. Ancien correspondant de Couleurs Tropicales - rfi en Haïti, le natif de Cité Soleil est devenu journaslite-chroniqueur à rfi sur place. Après avoir été contraint de quitter le pays, suite aux menaces de mort dont il faisait l'objet, il s'est refugié en France où il poursuit son aventure dans le journalisme. Lors de son interview exclusive avec Ravensley Boisrond pour Loop News (Haïti), Rodly revient sur les circonstances de sa fuite, son parcours et cette nouvelle étape dans sa vie professionnelle.
Rodly SAINTINÉ, vous êtes un journaliste haïtien émérite. Vous avez quitté votre pays natal pour la France en raison de menaces de mort persistantes émanant d'un gang opérant à Cité Soleil, Haïti. Ancien présentateur vedette de radio et correspondant pour Couleurs Tropicales-RFI en Haïti, vous étiez en proie de serieuses menaces de mort ; votre vie et celle de votre famille étaient en grand danger dans le pays. Ce qui vous a contraint de vivre dans la clandestinité pendant un ceratin temps, et fuir le pays par la suite. Maintenant installé en France, vous continuez votre métier de journaliste avec détermination, tout en vous adaptant à votre nouvelle vie dans un pays étranger.
Rodly, pourriez-vous nous parler des circonstances qui vous ont poussé à quitter Haïti pour la France ? Comment s'est déroulée votre transition et comment vous êtes-vous adapté à votre nouvelle vie ici ?
Rodly SAINTINÉ : Depuis juin 2021, je fais l’objet de graves menaces de mort des bandits de Cité Soleil qui m’ont reproché d’être à l’originale de la divulgation des informations sensibles concernant les exactions perpétrées à Cité Soleil. Le fait que je sois journaliste et le seul jusque là, à travailler pour un média international (RFI). Donc j’étais pris à partie par les malfrats qui voilaient à tout m’assassiner. Mais heureusement je me suis échappé in extremis. Après 19 mois à vivre cacher, j’ai donc décidé de quitter le pays.
La transition n’a pas été facile. Parce que j’ai dû tout abandonner : ma famille, mes amis et proches, mon entreprise, tous mes projets. Mes rêves, quoi. C’était extrêmement difficile. Je n’arrive toujours pas à me faire l’idée que je sois obligé de fuir mon pays. J’ai le sentiment que j’ai failli en quelque sorte à ma mission, et que j’ai trahi une partie de cette jeunesse qui voyait ou qui voit encore en moi ; bien que malgré moi, un modèle, une source d’inspiration.
C’était pas trop difficile pour moi de m’intégrer. Puisque je connaissait déjà un peu la culture française, et j’en maîtrise la langue et qui plus est, j’étais déjà connecté avec le milieu médiatique français grâce à me contacts de rfi et autres. Donc sur ce point, c’était plutôt facile. Mais j’ai eu tout de même beaucoup d'autres difficultés. Mais Dieu merci j’arrive à les surmonter et à m’adapter. Et très vite, j’ai eu l’opportunité de continuer ce qui me passionne le plus (journalisme) avec rfi et de poursuivre mes études dans le domaine. Et cerise sur le gâteau, je commence déjà à donner des cours de journalisme dans des écoles, ici. Ce qui n’est pas donné à tout le monde, et en si peu de temps. Je m’en vante pas. Mais j’en vraiment fier.
Comparaison des deux environnements:
Vous avez maintenant vécu dans deux pays très différents. Pouvez-vous nous décrire les principales différences que vous avez remarquées entre la vie en Haïti et en France, tant sur le plan professionnel que personnel ?
R.S : Normalement, il y a des differnces structurelles entre les deux sociétés. C'est pas le meme niveau de vie ; les conditions socioéconomiques sont pas les mêmes, entre autres. Du point de vue professionnel : Selon moi il n'y a pas trop de grandes différences. Le métier de journalisme dans son essence reste le même dans tous les pays. Du moins, je crois. Mais il se diffère en quelque sorte dans la manière dont il est pratiqué dans certains pays, surtout en fonction des réalités socio-économiques, politiques et culturelles différentes.
À côté de ça, il y les différences liées aux conditions et aux environnements de travail. Ce qui est normal, la France est un pays riche. Bien que le métier de journalisme reste très précaire ici (par rapport au salaire et à la sécurité de l’emploi).
Mais aussi le climat sécuritaire y est plus favorable au métier qu’en Haïti. Ici, les journalistes se sentent plus en sécurité pour faire leur travail : enquêter, critiquer, dénoncer… Sans courir le risque de se faire à assassiner. Bien que des journalistes ici sont aussi victimes d’intimidations, de persécutions allant jusqu’aux menaces de mort des fois. D’ailleurs certains journalistes, au moment où l’on parle là, sont sous escorte policière.
Autre point de différence, c’est concernant le statut socioprofessionnel du journaliste en France. Depuis 1935, la loi ici reconnaît la pratique du journalisme comme une profession définie par un cadre juridique. Mais malheureusement en Haïti, on n’en est encore là. Mais si non. Il n’y a pas trop de différences. Du moins selon mes premières impressions. Mais quant à moi, je me sens pas dépaysé par rapport à la pratique du journalisme ici. Puisque je me suis toujours efforcé depuis Haïti de faire un travail professionnel. Ce qui m’a en quelque sorte facilité la tâche, pour intégrer si rapidement le milieu journalistique d’ici, qui est très très exigeant.
Influence Professionnelle:
En tant que journaliste, comment votre expérience en Haïti influence-t-elle votre travail depuis votre arrivée en France ? Avez-vous apporté des aspects spécifiques de votre pratique journalistique haïtienne dans votre travail en France ?
R.S : Justement, la rigueur, le professionnalisme et certaines maîtrises de la pratique du métier dont j’ai toujours fait monter dans les travaux journalistiques ; m’ont permis premièrement de travailler correspondant de rfi en Haïti et maintenant comme journalisme sur la place. Et le fait aussi que la réalité du journalisme haïtien soit si complexe, fait que j’ai développé une certaine polyvalence dans le métier, qui aujourd’hui me sert beaucoup.
Aujourd’hui à rfi, je peux aussi bien présenter des nouvelles, écrire un article, faire des chroniques ou des reportages qu’animer une émission soit de flux ou talk. Donc cela dit, Haïti m’a presque tout donné. Bien que j’ai encore beaucoup de trucs à apprendre ici.
Défis Journalistiques:
Quels défis pensez-vous être les plus importants pour les journalistes en Haïti, et sont-ils similaires ou différents de ceux rencontrés par les journalistes en France ?
R.S : Je pense que le journalisme haïtien est très riche et très prometteur (surtout grâce la vitalité et la passion de la jeune génération ; et l’expérience et l’expertise de l’ancienne génération qui se conjuguent parfaite).
Mais nous avons beaucoup de défis à relever. Que ce soit du point du cadre juridique, de la sécurité et de la protection des journalistes ou du point de vue des conditions de travail, etc. Nous avons beaucoup de choses à faire. Mais par ailleurs, le journalisme haïtien, est un journalisme d’excellence à plusieurs points de vue. Bien qu’il ait plein de choses à corriger [...] Et comme j'aime le dire : « Le journalisme haitien, c’est un journalisme de combat, de résilience. » Tout à l’image de notre peuple.
Projets et Avenir:
Maintenant que vous êtes installé en France, quelles sont vos aspirations professionnelles et personnelles pour l'avenir ? Comment envisagez-vous poursuivre votre carrière journalistique dans ce nouveau contexte ?
R.S : À côté de mon éternel combat pour la liberté de la presse et la liberté d’expression en Haïti, et de mon engagement pour la dynamisation et la perfectionnement de l’enseignement du journalisme dans le pays. Engagement que j’ai pris en 2018, en créant ÉCOLE DES MÉDIAS, avec mes collaborateurs, mes fidèles compagnons de combat ; Je rêve, entre autre, de créer une grosse plateforme médiatique, dédiée à la production de contenus de qualité. En tout cas c’est l’un de mes plus grands rêves.
Par ailleurs, je rêve de continuer à me perfectionner dans le métier, devenir un grand monsieur comme Claudy SIAR. Et pourquoi pas le remplacer dans Couleurs Tropicales un jour. Loolll. Et plus encore, je veux suivre les traces de mon grand frère, Robert PHILOMÉ. Lui, à chaque que je le vois..., son parcours extraordinaire, ses réalisations… Non seulement ça me motive davantage mais ça me rappelle que j’ai encore beaucoup de chemins à parcourir. Et comme je le dis toujours : « Le meilleur est encore à venir ».
Quelques liens pour decouvrir certains travaux de Rodly SAINTINÉ sur les antennes de rfi :
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